samedi, juin 28, 2008

Un responsable marocain reconnaît des crimes de guerre au Sahara


El Mundo, 17.06.08

Un responsable marocain reconnaît des crimes de guerre au SaharaOuld Rachid révèle des exactions commises par des officiers de l’armée contre des civils sahraouisALI LMRABET. Correspondant
RABAT. - «Il y a quelques personnes [... ], il s’agit de trois ou quatre officiers de l’armée qui ont commis ce qui peut être appelé des crimes de guerre contre des prisonniers en dehors du cadre de la guerre» et «beaucoup de civils ont été jetés dans le vide depuis des hélicoptères ou enterrés vivants», simplement parce qu’ils étaient Sahraouis.
Celui qui brise un tabou en affirmant que plusieurs officiers marocains ont commis de graves crimes de guerre au Sahara Occidental n’est pas un dirigeant connu du POLISARIO ni un militant indépendantiste sahraoui. Celui qui accuse de hauts dirigeants de l’armée alaouite est Khalihenna Ould Rachid, l’actuel président du CORCAS (Conseil Royal Consultatif pour les Affaires du Sahara).Ould Rachid est un célèbre notable sahraoui pro-marocain qui a été plusieurs fois ministre dans des gouvernements de Hassan II et qui a été l’un des négociateurs lors des récentes discussions avec le Front Polisario à Manhasset, aux USA.
Khalihenna Ould Rachid n’a pas fait ces déclarations publiquement mais à huis clos, dans le cadre des sessions de l’Instance Équité et Réconciliation, un organisme créé par le roi Mohamed VI pour éclaircir les graves violations des droits humains perpétrées sous le long règne de Hassan II.Son témoignage, enregistré et transcrit en 2005, ne devait pas être porté à la connaissance du public, mais un journal de Casablanca, Al-Jarida al-Oula, a décidé de le publier intégralement, et a annoncé en même temps qu’il possédait d’autres enregistrements de la même veine de personnalités marocaines de haut rang qui ont témoigné devant l’Instance mentionnée.
Si ces graves accusations, qui concernent un sujet sensible au Maroc (le conflit du Sahara Occidental), n’ont pas comme de coutume suscité de commentaires de la part du régime, le président du Conseil Consultatif des Droits Humains (CCDH), un organisme officiel, a été dépêché non pas pour les réfuter mais pour demander à un juge d’interdire à Al-Jarida al-Oula la publication des documents restants.
En effet, la publication de ces documents au Maroc tombe très mal. Depuis mars 2007 l’Audience Nationale d’Espagne [la plus haute instance judiciaire espagnole, note de la trad.] a demandé au juge Baltasar Garzón d’enquêter sur les accusations de “crimes internationaux” commis par “32 dirigeants et militaires marocains” au Sahara Occidental depuis 1975.
Ces accusations font l’objet d’une plainte déposée le 14 septembre 2006 devant l’Audience Nationale par plusieurs associations espagnoles de défense des droits humains, qui estiment à 542 le nombre de Sahraouis disparus depuis 1975.
Garzón a décidé, par commission rogatoire, de demander aux autorités judiciaires marocaines si ces faits ont été investigués ou si des procédures pénales contre les personnes dénoncées ont été ouvertes, mais pour le moment il n’a reçu aucune réponse.
À Rabat, on craint que plusieurs des personnes mentionnées dans la plainte, dont beaucoup occupent toujours des postes élevés dans l’armée, soient parmi celles que cite Khalihenna Ould Rachid. Pour sa part, Ali Anouzla, le directeur de Al-Jarida al-Oula, a annoncé que son journal continuera à publier les transcriptions.