samedi, octobre 11, 2008

La patience est la seule arme du Mandela sahraoui


LE COURRIER
SAMEDI 4 OCTOBRE 2008
La patience est la seule arme
du Nelson Mandela sahraoui
SAHARA OCCIDENTAL • Mohamed Daddach a passé plus de vingt ans dans les geôles
marocaines. Les Sahraouis attendent depuis 1991 de pouvoir se prononcer sur leur avenir.
SIMON PETITE


Mohamed Daddach est le Nelson Mandela
sahraoui. Il a passé vingt-quatre
ans dans les prisons marocaines. Lorsqu’on
le compare avec son homologue
sud-africain, le cinquantenaire esquisse
un sourire gêné: «Le combat de Mandela
a eu un énorme écho en Afrique du Sud et dans le monde entier, à tel point qu’il a abouti à la fin de l’apartheid. Nous, nous devons continuer de lutter.» En effet, le Sahara occidental est l’un
des derniers «territoires nonautonomes», comme les appelle pudiquement l’ONU. En 1975, sans consulter les Sahraouis, le Maroc et la Mauritanie se partagent l’ancienne colonie espagnole. Le front Polisario, qui combattait les Espagnols, se retourne alors contre les nouveaux occupants. La Mauritanie renoncera à toute prétention sur le territoire en 1979.
C’est dans ce contexte que M. Daddach est fait prisonnier après une bataille contre les forces marocaines en 1976. Il est ensuite enrôlé de force dans la gendarmerie royale, d’où il s’échappe
trois ans plus tard. Rattrapé, il est condamné à mort pour désertion. La peine sera commuée en détention à perpétuité, avant sa libération en 2001 grâce à la pression internationale.
Seconde tentative
C’est la première fois que M. Daddach visite la Suisse. Il reçoit dans un appartement genevois proche du quartier des organisations internationales qui fait office de représentation diplomatique sahraouie. Derrière la table basse où on sert le thé, une photo montre des enfants faisant le V de la victoire. M. Daddach avait déjà voulu venir à Genève en 2003 afin de témoigner devant l’ONU. Mais son passeport lui avait été confisqué. «Selon les douaniers, je n’avais pas besoin d’aller à l’étranger, car le Maroc était une démocratie prête à tout entendre
», raconte-t-il. Il lui a fallu des années pour récupérer son passeport.
Cette fois, le militant sahraoui est arrivé à l’aéroport de Casablanca très à l’avance. Bien lui en a pris: «Après avoir entré mon nom dans l’ordinateur, le douanier m’a dit qu’il y avait ‘un problème’ et qu’il devait en référer à son chef. Finalement, après une heure et demie de palabres, j’ai pu prendre mon avion.» Est-ce un signe de décrispation du Maroc? M. Daddach réfléchit longuement: «Non, je ne crois pas. Il n’y a qu’à voir la répression des manifestations pour l’autodétermination dans la ville de Smara, le 21 septembre dernier. La réaction des services de sécurité marocains a été extrêmement violente avec une trentaine de blessés et d’arrestations. Les protestataires ont été pourchassés jusque chez eux.»
M. Daddach cite le nom de ses camarades encore sous les verrous. Pour sa part, sa notoriété lui offre une relative immunité. Le militant ne compte pas baisser les bras. Car il reste tant à obtenir:
des informations sur les centaines de disparus sahraouis, le démantèlement des 2000 kilomètres du «mur de la honte » qui séparent la majeure partie du Sahara occidental des territoires contrôlés par le Polisario, la mise hors d’état de nuire de millions de mines... Un vote attendu comme Godot Comme tous les Sahraouis, l’ancien détenu veut pouvoir se prononcer sur l’avenir de sa région. Cela fait depuis 1991, date du cessez-le-feu, qu’une mission de l’ONU (la MINURSO) doit organiser un référendum. La tenue du scrutin bute sur les querelles entre le Maroc et le Polisario. En effet, aucune des deux parties ne veut prendre le risque d’une défaite
dans les urnes.
Mais le temps travaille pour Rabat. Même si de nombreux immigrants marocains se sont installés au Sahara occidental, M. Daddach dit qu’il respectera le choix des Sahraouis, quel qu’il soit. Quant à la lutte armée, «elle reste un moyen légitime pour tous les peuples sous occupation. Mais les Sahraouis et les Marocains savent par expérience que la guerre ne bénéficie à personne.» I

DES LIENS ANCIENS
AVEC LA SUISSE
Mohamed Daddach donnera une conférence
aujourd’hui à Genève1. Il sera accompagné de Patrick
Herzig, qui s’est récemment rendu au Sahara occidental en
tant qu’observateur de procès de militants sahraouis. Les liens
avec Genève datent des années 1970. Créé en 1993, le Bureau
international pour le respect des droits de l’homme au Sahara
occidental (BIRDHSO) avait fait campagne pour la libération de
Mohamed Daddach et d’autres prisonniers. Depuis, plusieurs
observateurs de la Ligue suisse des droitsde l’homme ont supervisé
des procès surplace. CO
117 h, Maison des associations
(15 rue des Savoises).